ALLEGRA Léa Simone – Flammarion
Une vieille gloire du marché de l’art sur le point de se retirer, croit reconnaître dans une chapelle un chef d’œuvre de la Renaissance italienne qui pourrait lui permettre de partir en beauté. Une veuve éplorée, une ravissante experte, un restaurateur de tableau vont mettre le monde de la peinture en ébullition.
Voici un joli roman français qui mène le lecteur, par le bout du nez, dans l’univers des salles de vente. C’est l’histoire d’un commissaire- priseur dont l’heure de gloire est passée, un has been dans tous les sens du terme, notamment parce qu’il continue à travailler comme à l’heure d’avant internet. Les descriptions le concernant ne sont pas convergentes (c’est intéressant) mais, en tous cas, ce doit être un vieux beau. Sur ce personnage se bâtit toute l’intrigue qui va beaucoup plus loin qu’on ne l’aurait imaginé. Suspens, une fois la vente aux enchères passée – magnifique morceau – à la fin de la deuxième partie, on croit avoir atteint le sommet mais non, il reste la troisième partie où le maillet du juge frappe à son tour, sans compter le coup (final) du destin.
Un certain nombre de petits clins d’oeil illustrent que l’auteur s’est bien amusée : le personnage de la Française s’appelle Marianne, l’Allemand s’appelle Fritz (l’Allemand). Lea Simone Allegria signe ici la dimension caricaturale de son œuvre. et et même Fritz Hammer (ce qui signifie le marteau mais aussi le maillet). Quant au héros il s’appelle Vivienne comme la galerie du même nom où j’apprends, en consultant internet, que Jean-Paul Gaultier est aujourd’hui installé. Difficile de ne pas sourire à tant de clin d’œils facétieux.
Toute cette jolie intrigue est également l’occasion d’une vulgarisation intéressante du milieu des salles de vente et de leurs acteurs : commissaires priseurs, experts, acheteurs, … un très bon livre de vacances.
« Les objets comptent peu; ce sont les mythes qui les transportent. » Créer une histoire autour d’une œuvre d’art et la sublimer pour en tirer le meilleur profit financier, c’est du Grand Art dont l’acte final se joue – peut-être- dans le théâtre d’une salle des ventes.
Celle-là, c’est la découverte d’un retable dont le titre et sa description sont inspirés d’un tableau de Raphaël, la Vierge au Chardonneret (remplacez Chardonneret par Rouge-gorge). Pour le magnifier : les artistes-créateurs du mythe sont un commissaire-priseur, une experte – elle se nomme Javert comme dans les Misérables ! – et un restaurateur dans la perspective d’établir une filiation historique enrichissante à son auteur. Ce Grand Art existe peut-être aussi dans la vraie vie.
Une fois, deux fois, trois fois, j’adjuge… 380 millions d’euros en 2015 pour acquérir le Sauveur du Monde cité dans ce roman et vendu pour seulement 45 livres en 1958 (!). Il est d’abord attribué à un des élèves de Léonard de Vinci puis plus tard au maître lui-même (ça fait monter la côte) sans aucune certitude absolue alors qu’il existe aussi une autre version peinte soit par lui soit par l’un de ses autres élèves selon avis d’experts dans les deux cas. Le faux-vrai cache-t-il le vrai-faux comme dans ce roman ?